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Publié le 19 mars 2015
L’amendement n°1681 présenté par M. François BROTTES et complété par plusieurs sous-amendements a été adopté en séance publique à l’Assemblée Nationale le 30 janvier dernier. Il ajoute notamment au projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques un article 10 A ayant pour objet de limiter à 9 ans la durée d’affiliation des magasins à une enseigne y compris pour les réseaux sous forme coopérative. Réaction de Philippe Jayet, Secrétaire Général du réseau Intersport.

// Que pensez-vous de cet amendement et notamment de l’article 10 A, discuté en ce moment même en commission spéciale ?
La loi portant statut de la coopération date de 1947 et définit une société constituée par plusieurs personnes volontairement réunies en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun et la mise en place des moyens nécessaires. Sauf erreur de ma part, cette réglementation, vieille de près de 70 ans n’a jamais connu de réformes profondes, exceptés quelques toilettages, prouvant la pertinence de notre organisation, mais attestant surtout  du bon fonctionnement des objectifs définis par la réglementation originelle. Je m’interroge alors sur l’utilité de  contraindre un système qui a fait ses preuves depuis de nombreuses années.

Chaque coopérative de commerçants s’est construite et  s‘est adaptée en fonction de son contexte concurrentiel ; les associés, dont l’intérêt individuel est intimement lié à l’intérêt collectif, se sont donnés les moyens en décidant ensemble des règles pour sauvegarder leurs moyens d’exploitation. Depuis des décennies, les coopératives de commerçants se sont autorégulées et auto-protégées par le biais de leurs statuts et règlements intérieurs et jamais au détriment du consommateur. Remettre en cause ces équilibres décidés et approuvés par les associés mêmes d’un réseau ne fera que porter atteinte à son bon fonctionnement. Le réglementer peut avoir des effets pervers que l’on ne peut imaginer sans réelle étude d’impacts. In fine, certains réseaux coopératifs pourraient se trouver affaiblis par de telles mesures et voir leur pérennité mise à mal entraînant la disparition de certains pans de distribution. Intervenir dans des domaines tels que  la durée d’affiliation de neuf ans d’un magasin à une enseigne, dans ce cas non proposée par l’ensemble des associés, ne peut être constructif et affaiblira l’ensemble du réseau. L’affaiblissement des moyens de la coopérative la rendra incapable de récupérer le potentiel perdu ; à l’inverse de réseaux succursalistes dotés de moyens financiers puissants et non concernés par la règlementation.

L’objectif premier de l’article 10A, celui de favoriser la concurrence inter-enseigne et donc la diversité du choix pour le consommateur, pourrait alors ne pas être atteint.

Juridiquement parlant, règlementer nos contrats revient à la remise en compte de l’affectio sociétatis, propre à nos organisations, désignant la volonté d’investir en commun et de partager les bénéfices mais également et surtout les pertes de l’entreprise. Le fait de s’associer à une société, et de s’engager sans échéance définie dans le temps, est un acte à mon sens beaucoup plus profond qu’un simple contrat. Chaque commerçant indépendant s’implique personnellement et économiquement au-delà de son point de vente pour une enseigne et une stratégie commune pour laquelle il prend des risques et engage son fonds de commerce sans limitation de durée aucune. Un nouvel adhérent a besoin d’une certaine confiance pour intégrer le réseau et celle-ci est soutenue par la force du système actuel, auquel il adhère, et qui ne peut tomber en désuétude pour cause d’évasion ou rachat d’un certain nombre d’entreprises composant le réseau. La remise en cause d’un contrat à échéance de neuf ans, ne prenant en compte les investissements engagés, ne permettra pas aux coopératives d’atteindre leur taille critique, de financer des moyens logistiques, informatiques coûteux et donc de concurrencer plus efficacement les groupes intégrés.

// Cet amendement a été pensé pour favoriser la concurrence inter-enseignes ; qu’en pensez-vous ?
Avant de parler de concurrence inter-enseignes il ne faut pas oublier que la concurrence n’a jamais été aussi vive entre les différentes formes de commerce et notamment entre les réseaux de magasins physiques sous enseigne et l’e-commerce des pure players (ex : AMAZON…). Alors que ces derniers évoluent dans un environnement internet  complétement déréglementé, la tendance actuelle est de fiscaliser (doublement de la TASCOM) et de réglementer le commerce des magasins  physiques créateur d’emplois.

La concurrence inter-enseignes est le crédo des entreprises coopératives et associées ! La volonté du législateur, avec la loi de 1972 sur les coopératives de commerçants détaillants, était de favoriser le regroupement de commerçants détaillants et de créer une alternative aux  gros groupes alimentaires. Face à un oligopole succursaliste, les commerçants détaillants se sont regroupés et  ont créé une diversification d’offres pour le consommateur. Laissez-moi une nouvelle fois m’interroger sur la pertinence de réglementer un système qui existe depuis un certain temps et qui a lui-même permis d’offrir une plus large offre au consommateur ?