// Pourquoi avoir créée la 1ère coopérative de libraire de BD en France ?
MS : En 1981, lorsque la loi Lang est passée, bon nombre de librairies se sont créées et les passionnés de bande-dessinés se sont logiquement retrouvés au sein d’une association. Cependant la forme associative a ses limites. On voulait monter des actions, s’engager, conclure des accords avec les éditeurs. On voyait bien que pour aller plus loin, il nous fallait une structure commerciale. Nous avons lancé le groupement en 2007. Il y a déjà 10 ans.
BF : Au départ, lorsque le groupement s’est lancé, à part nous, personne n’y croyait. On nous disait que c’était impossible de créer une coopérative sur ce secteur. On l’a fait. On l’a même bien fait. Nous avons démarré avec 50 adhérents et début 2017, nous totalisons 113 associés avec un maillage territorial homogène. A fin octobre 2016, le secteur du livre est à – 0,5 %, la bande-dessinée est à + 0,5 % et le groupement fait + 5 %. GLBD fait 8 fois mieux que son marché de référence et ça fait 10 ans que ça dure. Les petits gaulois indépendants que nous sommes ont 14 % de parts de marché. La FCA nous a d’ailleurs félicité pour nos performances en 2014.
// Comment avez-vous fait pour faire évoluer les mentalités ?
MS : Nous avons su montrer aux éditeurs notamment que nous étions prêts à investir à leurs côtés afin de créer des partenariats gagnants-gagnants. En plus des nouveautés, le monde de la BD est composé de fond, de collections, de séries d’albums antérieures. Dans le réseau Canal BD, ces anciens numéros représentent entre 40 et 50 % du chiffre d’affaire de nos magasins. Comme nous sommes un groupement d’indépendants, les éditeurs savent qu’ils peuvent travailler avec nous sur des opérations afin de valoriser leurs fonds et pas seulement sur les nouveautés. Les auteurs sont ravis également puisqu’ils vivent aussi de la vente de leurs anciens numéros.
BF : Le modèle du Commerce
et Associé permet aux trois grands métiers du marché de parfaitement coexister, que l’on soit auteur, éditeur, libraire. Il est vrai que nous avons dû faire nos preuves et rapidement les éditeurs ont compris qu’ils avaient une carte à jouer. Ils ont vu que nous étions prêts à investir. Les libraires Canal BD ont créé des magazines, des catalogues, de la signalétique, ont mis en place des écrans en vitrine, ont créé un portail Internet. De plus, deux enseignes culturelles ont disparu alors qu’ils étaient des acteurs importants. Ça a été un coup de tonnerre pour le marché. Dans un groupement d’indépendants comme GLBD, c’est impossible ! Tous les libraires associés ne peuvent pas disparaitre en même temps. Tous ces éléments ont eu un effet accélérateur pour nous. Nos libraires ont eux aussi évolué. Ils se considèrent maintenant comme des commerçants.
// Comment s’est concrétisée cette montée en puissance de votre réseau ?
MS : Nous avons pu mettre en place des partenariats de plus en plus importants avec les éditeurs et de nouveaux entrants nous ont rejoints. Dans une logique d’économie d’échelle, notre développement s’est logiquement accompagné de remise plus importante pour nos adhérents. Côté réseau, nous avons créé des points de vente grâce notamment à des cadres en reconversion, passionnés par la bande-dessinée. Ces nouveaux chefs d’entreprise bénéficient d‘une formation dont nous sommes partenaires avec l’Institut National de Formation de la Librairie (INFL). Nous leur proposons des stages en librairie. Cela permet de créer un vrai lien humain avec un libraire qui sera, par la suite, un de leur pairs. Nous faisons tout pour profiter de cet effet accélérateur avec nos adhérents. Un groupement c’est un accompagnement, une écoute, du conseil avant tout. Pour toutes nos opérations, nous sommes ravis d’avoir un taux de participation des libraires de 80 %. C’est exceptionnel.
BF : Beaucoup de libraires se disent que maintenant qu’ils font partie de GLBD, ils n’ont plus à s’occuper des négociations et des achats. Ils sont donc en mesure d’investir dans leur magasin. Bon nombre de nos points de vente sont en train de faire des travaux ou encore des agrandissements. Certains de nos entrepreneurs développent même localement des partenariats avec des librairies jeunesse. Enfin, nous réfléchissons à la reprise et à la transmission. La génération de libraires qui étaient présents lors de la naissance de l’association vont devoir vendre. C’est un sujet en cours au sein du groupement, nous voulons mieux l’anticiper.
// Parlons maintenant de votre double anniversaire en 2017.
BF : Pour le grand public, nous avons créé un logo spécial 20 ans Canal BD et nous allons faire, chaque mois, plusieurs opérations aux côtés de nos éditeurs avec des tirages spéciaux, des compilations, des tirages en noir et blanc, des jaquettes. Ça va être la fête chez nos libraires tout au long de l’année.
MS : Pour les 10 ans de la coopérative, nous venons de réunir tous nos partenaires lors d’une grande fête qui a eu lieu à l’occasion du Festival d’Angoulême. Ça a été une manière de les remercier chaleureusement pour leur confiance. Pour certains acteurs du livre, nous sommes toujours des martiens car nous avons rendu l’impossible possible en créant notre groupement. Pour le marché, nous sommes devenus un acteur sérieux et qui a fait ses preuves. C’est notre plus grande fierté. Rendez-vous dans 10 ans !