
Ainsi, après au moins deux malheureuses initiatives parlementaires d’en finir avec le pacte Dutreil, voilà que la Cour des Comptes commet un rapport à charge contre le dispositif permettant de favoriser la transmission d’entreprises.
En effet, le rapport réévalue à la hausse le coût pour l’État de ce dispositif fiscal, à 4 milliards d’euros. C’était pourtant 800 millions il y a moins d’un an.
L’écart et la méthodologie employée par la Cour laissent perplexes de très nombreux fiscalistes : comment évaluer un gain fiscal si l’on ne connaît pas avec certitude les droits qui auraient été dus sans le pacte ?
Les limites des systèmes d’enregistrement et la difficulté inhérente à la collecte des données auprès des études notariales rendent ce travail hyper complexe.
Se dégage surtout de tout cela le désagréable constat qu’en France trop de politiques publiques se font et se défont sur l’autel de l’idéologie et des intérêts partisans.
Qui peut croire sérieusement un instant que sans pacte Dutreil, il n’y aurait que des recettes fiscales supplémentaires pour l’État ?
Car la stabilité de l’actionnariat familial, le maintien des emplois locaux et l’ancrage territorial des entreprises, sont loin d’être neutre ou anodin pour l’État.
A l’heure où 30 000 entreprises disparaissent chaque année faute de trouver des repreneurs, est-il vraiment opportun d’attaquer ce qui en facilite la transmission ?
A l’heure où pas moins de 500 à 700 000 entreprises vont être cédées d’ici 2035, ne faut-il pas au contraire encore plus aider cédants et repreneurs locaux plutôt que de faciliter la tâche à des rachats de l’étranger ? Sachant que la France transmet déjà bien moins familialement que ses voisins européens (20 %) contre 56 % en Allemagne, 70 % en Italie et 83 % en Suède.
A l’heure où des centres-villes se désertifient, abandonnés par des commerces qui ne peuvent plus faire face au mur des contraintes économiques et normatives, ne faut-il pas lancer des politiques qui encouragent ?
A l’heure où les PME locales contribuent à hauteur de 34 % des recettes fiscales de leur territoire, est-il nécessaire et juste de les réduire à de simples niches fiscales ?
A l’heure où la dette publique française atteint 3345 milliards d’euros, troisième plus élevée des 27 Etats membres de l’UE, n’y a-t-il réellement rien de plus urgent à faire que de fragiliser l’édifice économique des PME ?
Il faut saluer le courage politique de Eric Lombard et de Véronique Louwagie de défendre le pacte Dutreil contre les raisonnements simplistes et de courte-vue.