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Publié le 12 novembre 2014
Suite à l’atelier Big Data du 14 octobre dernier, Hubert Tournier, Directeur Adjoint de l’organisation et du Système d’Informations des Mousquetaires, apporte son éclairage sur le sujet : nouveaux enjeux, organisation, méthodes de traitement des données… Selon lui, un réelle effort de sensibilisation est nécessaire.

// La notion de big data nécessite-t-elle d’entrevoir une nouvelle façon de travailler entre les services ?
En effet. Il y a aujourd’hui dans les entreprises une méconnaissance généralisée à la fois des enjeux et des risques autour des données. Un réel effort de sensibilisation est nécessaire auprès des acteurs concernés, car ce sont des sujets qui nécessitent un traitement au plus haut niveau des entreprises.

Il existe un risque concurrentiel : les données, disséminées de façon non maîtrisée sur la chaîne de sous-traitance, peuvent servir à désintermédier l’entreprise et à lui ravir la position qu’elle occupe sur le marché ; c’est une question de souveraineté !

Un risque commercial : l’asymétrie du partage de la valeur entre l’entreprise et les consommateurs est parfois mal vécue par ces derniers. On constate aujourd’hui des mouvements de défiance, voire de résistance, de leur part. Par ailleurs, des entorses à l’éthique ou des manquements à la sécurité des données peuvent endommager durablement l’image de l’entreprise et être fatals à sa politique numérique. Enfin un risque juridique et financier : l’entrée en vigueur du nouveau règlement européen sur la protection des données va introduire des amendes colossales en cas de manquement à la sécurité des données des consommateurs. Pour toutes ces raisons, il n’est plus acceptable que des personnes situées aux tréfonds des organigrammes puissent continuer à engager les entreprises et obérer leur avenir hors de tout contrôle. Les arbitrages doivent être réalisés par les directions générales.

// Quels sont les enjeux liés au big data ?
Un enjeu de connaissance des clients et prospects, de leurs usages et attentes, puisque ce sont eux qui maîtrisent aujourd’hui la relation commerciale. Les données dont dispose l’entreprise sont-elle réellement exploitables ? Un premier travail serait de vérifier les différentes données de contacts numériques (adresses email, coordonnées mobiles) des clients et de créer un portail individualisé afin de leur offrir la possibilité de les mettre à jour. Quel sont leurs parcours en magasin et en ligne ? Comment utilisent-ils les outils mobiles mis à leur disposition ? Paradoxalement, ces sujets sont très mal connus ! Beaucoup d’applications mobiles téléchargées ne sont même pas installées, ou utilisées très peu de temps. Le trafic sur les sites web e-commerce est souvent majoritairement le fait d’automates venant piller les prix, les descriptions produits, etc. dans le but de les revendre à des tiers ou d’alimenter des comparateurs. Pas de personnes physiques ! Une meilleure connaissance des produits et canaux de distribution est également nécessaire (prévisions des ventes, impact de la saisonnalité, de la promotion, mesure de l’efficacité des différents canaux) ainsi qu’une connaissance approfondie de la concurrence.

// Quels conseils pourriez-vous délivrer sur le traitement des données ?
Une grande quantité et une qualité maximale des données n’est pas toujours nécessaire ; le « time to market » impose parfois des décisions dans des conditions imparfaites. Contrairement à ce qui se dit, on peut souvent également analyser et segmenter sur des petits ensembles de données ne nécessitant pas de technologies radicalement différentes.

Il faut commencer par l’urbanisation des données et des systèmes existants, véritable clé de réussite des stratégies cross-canales. En cas de systèmes d’information hétérogènes, il est souhaitable de définir des standards d’échanges de données (le modèle ARTS de l’association des retailers américains peut aider) et de construire des plates-formes d’analyse communes.

A terme, la mise en place d’un GIE informatique reste la meilleure option : la massification est la clé de la performance dans la distribution !

// Comment s’organiser dans un réseau d’indépendants ?
Le numérique doit être gouverné ! Aucun acteur n’étant légitime à lui seul, les multiples décideurs (Direction Marketing, Direction Communication, Direction des Systèmes d’information) doivent coopérer via un mécanisme de gouvernance. Celui-ci peut s’organiser autour d’un collège des demandeurs, un guichet unique des fonctions supports, une structure d’arbitrage.

Puisque le sujet est majeur et vital, il doit être piloté au plus haut niveau de l’entreprise, à la Direction Générale et/ou au Conseil d’Administration. Sur le patrimoine informationnel, nommer un Directeur des « données de l’entreprise » est important pour coordonner la mise en ordre du système d’information et animer les aspects de gouvernance de la donnée. Il faut développer les compétences en interne. Les fameux « data scientists » sont un plus, mais il ne faut pas non plus chercher des moutons à cinq pattes : un spécialiste de l’analyse quantitative, expert métier, fraîchement sorti d’école ! Une équipe étendue, rassemblant des compétences multidisciplinaires et mobilisant des personnes du terrain est nécessaire. Une connaissance interne de la technologie associée aux données est souhaitable, y compris en cas d’externalisation. //