Ce qui se joue est sans doute moins la disparation pure et simple du travail que la façon dont nous appréhendons et accompagnons sa mutation, c’est-à-dire notre capacité à imaginer des dispositifs innovants et ambitieux.
"Si on travaille pour gagner sa vie, pourquoi se tuer au travail ?" feint de s’interroger, provocateur mais philosophe, le truculent personnage de Tuco campé par Ellie Wallach dans Le Bon, la brute et le truand. Vague de démissions, mouvements anti-travail, boycott du bureau, indolence volontaire, le travail est en crise. Mais l’est-il vraiment ? Ne faudrait-il pas plutôt y voir une remise en cause de la valeur travail par une part croissante de la population qui lui préfère, et ce n’est pas là une mince nuance, la valeur du travail ? Il faut bien dire que dans un monde largement soumis à la dimension productiviste du travail, la question des finalités a longtemps formé un impensé ne demandant qu’à éclater. C’est que le risque d’aliénation ne se tient jamais trop éloigné de l’absence de sens. En effet, si le travail est à la fois éthique du devoir envers la collectivité et source de revenu, il se veut également source d’épanouissement. Germe alors chez beaucoup l’intuition que le travail ne doit pas ou plus être un renoncement à prendre le chemin de la vie.
Il convient, par exemple, de signaler que la notion de travail ne pouvant être réduite à l’emploi rétribué, il est des activités socialement utiles à la collectivité qui, à ce titre, mériteraient sans doute une plus grande reconnaissance de la société. En somme, défendre le travail et sa valeur ne peut donc se réduire à défendre uniquement l’emploi, au risque d’ignorer de nombreuses autres activités essentielles.
Par ailleurs, les théories économiques classiques ont imposé l’idée quelque peu péremptoire que l’être humain n’obéissait qu’à des choix rationnels, dépouillé de toute subjectivité et de tout besoin social, faisant justement fi de ses affects. Or, il n’est plus à démontrer que l’engagement à long terme des individus au service d’une organisation repose sur des facteurs – sens et intérêt du travail, reconnaissance et dignité – qui ressortissent de la motivation psychologique propre à chacun. Faute de quoi, déçus, ces mêmes individus tournent inexorablement leur regard vers d’autres horizons, d’autres idéaux, qui portent la promesse de modèles plus en congruence avec leurs valeurs.
Est donc venu le temps de redéfinir le travail dans notre imaginaire collectif, ce qu’il pourrait être au service d’une société plus épanouie et harmonieuse. Pour ce faire, il faudrait revenir à ce qu’il est originellement : un moyen et non une fin. Un moyen d’assurer notre subsistance, d’apporter au bien-être commun, de s’épanouir et d’être heureux. Dans le débat actuel autour du travail, le modèle et associé, fort de ses valeurs, semble taillé pour satisfaire à ces aspirations.
Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération du Commerce Coopératif et Associé