La notion de responsabilité connaît, depuis quelques années maintenant, un essor fulgurant, au point que rien ni personne ne semble plus pouvoir s’y soustraire. Et pour cause, à l’heure des multiples transitions qui appellent l’union et l’engagement de tous, il faut bien se convaincre que ce n’est pas en se dérobant à notre responsabilité d’aujourd’hui que l’on échappera à celle de demain.
Pendant longtemps, la foi dans l’immanence du marché a porté ceux qui, inspirés par Milton Friedman, arguent que la seule et juste responsabilité sociale de l’entreprise est d’accroître ses profits. Cette antienne, bon gré mal gré largement reprise par une société contemporaine régulée par le marché, avait presque réussi à nous faire oublier la Déclaration de Philadelphie et son appel à la solidarité sociale et économique entre les nations, à l’esprit de coopération et à l’extension du domaine de la démocratie à la sphère économique. Las, c’est bien à l’assujettissement progressif de tous les pans de la société au dogme économique auquel on a assisté ces dernières décennies. Toutefois, battant en brèche cet absolutisme, la proposition inspirée de Karl Polanyi de réencastrer l’économie dans le rapport social connaît, à la faveur des crises actuelles, une forte résurgence.
Et c’est heureux car, après tout, est-il encore seulement concevable d’envisager l’entreprise réduite à son seul indice de performance économique, comme suspendue hors du temps et de l’espace, et se désintéressant des externalités négatives produites par ses activités ? La réponse est évidemment non. Au-delà des droits et des devoirs qui lui sont affectés en sa qualité de personne morale, l’entreprise est surtout constituée de femmes et d’hommes dont un nombre croissant est soucieux du rôle de celle-ci dans la société. Ainsi, un récent sondage d’Harris Interactive souligne que, pour 96 % des Français, les entreprises se doivent d’avoir une responsabilité territoriale au sens d’une réelle prise en compte des enjeux économiques, sociaux et environnementaux du territoire dans leur stratégie. Ce faisant, l’entreprise opère sa mue en devenant à la fois une entité politique dans la société et une organisation politique intra-muros. Sa responsabilité n’est plus seulement économique et juridique, elle est également morale et territoriale, c’est à dire ancrée et incarnée. Reste désormais à construire une vision partagée de la place du commerce de demain dans l’aménagement des territoires afin qu’il puisse y jouer pleinement son rôle sur les plans économique, social et environnemental.
N’en doutons point : à l’heure des grandes transitions et dans un monde où l’interdépendance est devenue la norme, la cohésion et le sens de la responsabilité sont la seule voie praticable pour adresser les défis présents et à venir. Passer du chacun pour soi à réussir ensemble, c’était déjà la promesse du Commerce et Associé il y a 150 ans.
Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération du Commerce Coopératif et Associé (FCA).